C’est dans la gazette des communes que j’ai trouvé ce très intéressant article d’actualité de Jean-Baptiste Forray, Philippe Pottiée-Sperry, Julie Krassovsky, aidés de 5 intervenants au congrès des maires 2014, intéressant puisqu’il nous parle de la baisse des dotations de l’état et des nouveaux transferts de compétences aux intercommunalités.
La baisse des dotations de l’État et les nouveaux transferts de compétences aux intercommunalités mettent en lumière le caractère de plus en plus virtuel de certaines petites communes. Face à cette situation, nos intervenants, Vincent Aubelle, Vanik Berberian, Jacqueline Gourault, Agnès Verdier-Molinié et Stéphane Pintre, réunis par La Gazette pour une table ronde prônent des solutions opposées. Un débat musclé.
Cet article fait partie du dossier :
Congrès des maires 2014 : quand les communes se rebiffent
1 – La stratégie de l’étranglement financier
Comment expliquez-vous que, de Marylise Lebranchu à Claudy Lebreton, de plus en plus de responsables publics s’interrogent sur la pertinence de la commune ?
Cela tient à la crise de nos finances publiques. Les dépenses de personnel du bloc « communes-intercommunalités » entre 2002 et 2013 sont passées de 23 à 34 milliards d’euros. Au lieu d’utiliser l’intercommunalité pour résoudre le problème des 36 000 communes, a été créé un coûteux système à deux étages. Alors que les intercommunalités embauchaient, les communes n’ont pas réduit leurs effectifs et les ont même augmentés. Ce phénomène a touché toutes les strates démographiques. Contrairement à une idée reçue, les petites communes et leur interco ne coûtent pas plus cher que les autres.
Vanik Berberian : Vous pouvez toujours asséner vos chiffres comme sur les plateaux télé mais vous ne nous mettrez pas dans la seringue ! Votre vision systémique ne correspond pas à la réalité des communes rurales. Notre dotation globale de fonctionnement est déjà deux fois moins élevée qu’en milieu urbain. L’aménagement du territoire national est complètement oublié. Résultat, nos populations votent de plus en plus pour le FN.
La raréfaction de l’argent public n’est-elle pas lourde de menaces ?
Jacqueline Gourault : On peut mettre en œuvre une meilleure gestion avec des restrictions budgétaires. On ne pourra pas conserver toutes les strates actuelles. Mais, de grâce, ne partons pas d’une analyse catastrophiste. Arrêtons de considérer que notre système local est nul. Tous nos villages sont entretenus et beaucoup d’entre eux accueillent des manifestations culturelles de qualité.
Vincent Aubelle : Régler une question politique, les 36 000 communes, par un étranglement financier n’est pas acceptable. Il faut d’abord revisiter le modèle communal en échelonnant les compétences au bon niveau. C’est tout le contraire de ce qui est en cours : on est en train de construire les étages, les régions, alors que l’on n’a pas encore posé les fondations.
Stéphane Pintre : On oublie un peu trop vite la hausse de la population, de l’ordre de 10 millions en vingt ans, et l’augmentation de la demande sociale qu’elle engendre. Je ne considère pas pour autant que l’on peut continuer à vivre sur l’idée de la commune de la Révolution française. Le poids politique des élus ruraux, notamment au Parlement, ne correspond plus à la réalité du pays.
V. B. : Excusez-nous d’exister encore ! Mais ne vous inquiétez pas, cela sera bientôt corrigé.
S. P. : Il est nécessaire de faire ce que l’Église catholique a réalisé de manière bien plus intelligente que nous en regroupant ses paroisses.
V. B. : Ce n’était pas très dur : il n’y a plus de curés, ni de fidèles !
S. P. : Mais, bientôt, il n’y aura peut-être plus de maires !
V. B. : Et plus d’habitants dans les campagnes ! Continuons à concentrer les populations dans les pôles urbains. Après le Grand Paris, inventons le Très Grand Paris, puis le Très Très Grand Paris. Si c’est le sens de l’histoire…
S. P. : Mais si vous maintenez toutes les communes, celles-ci seront justement prises dans un système darwinien et elles disparaîtront dans les grands pôles urbains.
A. V.-M. : L’objectif de ces regroupements, c’est à la fois de rétablir le lien démocratique rompu par les intercos et de réduire le nombre d’élus locaux. On en a plus de 600 000. Il faudra se fixer un nombre maximal de 60 à 70 000.
J. G. : Si l’on supprime les élus locaux, je ne sais plus comment on va s’en sortir ! Je vous rappelle que Nicolas Sarkozy a perdu en 2012 parce qu’il n’a cessé de les critiquer.
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– L’interco ou la méthode des petits pas
Les maires des
petites communes ne sont-ils pas parfois en retard par rapport à des
populations davantage enclines à des rapprochements communaux ?
J. G. : En l’espace de vingt ans, les élus sont
passés d’une extrême méfiance, pour employer un euphémisme, à une volonté très
forte de coopérer. L’intercommunalité leur a ouvert de nouveaux horizons. Grâce
à elle, des maires ont accédé à des échelles et à des gestions de dossiers
qu’ils n’auraient pas pu atteindre s’ils étaient restés dans le strict
périmètre de leur commune. L’intercommunalité a fait tomber des barrières
politiques. Elle a permis une pacification du paysage local.
V. A. : Les élus ne sont pas propriétaires de leur
structure. L’intercommunalité, les gens la vivent depuis belle lurette. Mais,
sur le plan institutionnel, elle repose sur des montages extrêmement complexes
de flux financiers, de répartition des transferts de charges et de
problématiques liées au fonds national de péréquation des ressources
intercommunales et communales.
V. B. : Tous ces débats sont à la fois chronophages
et budgétivores.
V. A. : Des schémas de mutualisation vont bien être
mis en place. Mais leur application dépendra du bon vouloir des communes…
J. G. : Les élus savent qu’en période de restriction
des dotations, il faut mutualiser les ressources pour faire mieux avec moins.
La realpolitik et les bassins de vie s’imposent. Le temps où les conseillers
généraux bâtissaient des communautés de communes à la dimension de leur canton
est fini.
L’intercommunalité a-t-elle vocation à devenir la
commune du XXIe siècle ?
J. G. : La France est un vieux pays dans lequel les
paroisses, puis les communes, ont toujours joué un rôle de proximité. On ne
peut effacer leur rôle par un raisonnement macroéconomique. Mieux vaut
travailler sur le possible. Avec l’intercommunalité actuelle, les élus vivent
avec leur temps. Ils montrent un chemin et gèrent correctement les deniers
publics comme l’a récemment salué la Cour des comptes à propos de ma communauté
d’agglomération de Blois.
V. B. : Je crois à la notion de coopérative de
communes. L’interco est un outil. On ne tombe pas amoureux d’une
intercommunalité. Une commune, c’est tout à fait différent, c’est une histoire
et une famille. Ce n’est pas au conseil municipal ou au maire de décider de la
mort d’une commune. Encore moins au préfet et au ministère de l’Intérieur. Une
telle décision ne peut dépendre que des citoyens eux-mêmes.
Faut-il augmenter le seuil pour constituer une
intercommunalité de 5 000 à 20 000 habitants ?
S. P. : Ce pays est en train de crever de cette
logique d’égalitarisme permanent et de rationalité économique ! Laissons les
élus décider en fonction des territoires.
J. G. : 20 000, c’est soit trop peu, soit beaucoup
trop. Dans la Marne, il faudrait 190 communes pour atteindre ce seuil ! Ce
critère n’était donc pas réaliste. Le Premier ministre lui-même annonce
désormais des conditions de densité et de nombre de communes. La réflexion ne
doit pas s’arrêter là. Il est stupéfiant de maintenir le département et de
faire comme si l’intercommunalité n’existait pas. Elle exerce nombre de
missions de proximité et de solidarité qu’assurait auparavant le conseil
général.
3
– La commune nouvelle relookée
Que change, Vincent
Aubelle, la commune nouvelle que vous appelez de vos vœux ?
V. A. : Elle met fin au mythe de la compétence
générale des petites communes. Celles-ci n’ont plus les moyens d’agir. La
compétence générale doit donc être exercée dans des communes nouvelles de plus
de 5 000 habitants, une action publique et des élus de proximité étant
maintenus dans des communes déléguées correspondant aux actuelles
municipalités. Il s’agit, tout simplement, de transposer le système appliqué à
Paris, Lyon et Marseille. Par voie de conséquence, cela nous oblige à repenser
les intercommunalités, qui doivent atteindre au minimum 40 à 50 000 habitants
afin de se détacher des contingences du quotidien et de reprendre les
compétences des départements en matière d’aménagement du territoire.
V. B. : Pourquoi faire sans cesse grossir la maille ?
Laissez-nous vivre ! La modernité n’est pas dans le schéma que vous voulez nous
imposer. Nous ne sommes pas des Gaulois anachroniques. Nous pensons simplement
que l’avenir n’est pas dans l’hyper-concentration.
L’ambition de la
commune nouvelle dans la proposition de loi portée par le président de
l’Association des maires de France, Jacques Pélissard (UMP), et adoptée par
l’Assemblée le 31 octobre, est plus modeste que le schéma défendu par Vincent
Aubelle…
J. G. : Ce texte est présenté en marge de la réforme
territoriale. Pour l’heure, la commune nouvelle repose sur le volontariat.
V. A. : Comme je suis taquin, je vous ferai remarquer
que la position de l’Association des maires de France a évolué depuis 2010. A
l’époque, l’AMF avait fait en sorte de supprimer la majoration de la DGF pour
les territoires qui souhaitaient se constituer en commune nouvelle.
Aujourd’hui, elle veut la rétablir.
S. P. : On ne peut plus continuer à confier
d’importantes responsabilités aux intercos sans revoir leur mode d’élection. Le
fléchage n’a rien réglé. La transformation en communes nouvelles représenterait
donc une avancée démocratique. Plus généralement, ce dispositif est la dernière
chance pour le volontarisme. Si les élus ruraux ne se saisissent pas de la
commune nouvelle, des mesures beaucoup plus drastiques seront prises.
Les maires sont-ils prêts à franchir ce cap ?
A. V.-M. : Après mon intervention, l’an dernier, devant
le congrès des maires, beaucoup d’élus m’ont écrit pour me dire qu’ils étaient
en phase avec mon discours. L’AMF elle-même a évolué. Elle fait bien d’aller
dans cette direction. Sinon, c’est vrai, les maires se verront imposer un
schéma par le haut. J’ai cependant des réserves sur les communes nouvelles :
les communes déléguées confortent l’idée que l’on conserverait 36 000 communes.
Ce n’est pas mon orientation.
Le Syndicat
national des directeurs généraux des collectivités territoriales suggère, lui,
de maintenir uniquement les 24 000 communes disposant d’une école…
V. B. : Nous n’en avons plus car nous avons mutualisé
avec nos voisines. Ma commune, qui fait partie des plus beaux villages de
France, a donc vocation à être rayée de la carte…
S. P. : Cette proposition était, avant tout, une
manière de susciter le débat et de dire que nous ne pouvions plus vivre avec le
tissu communal actuel.
V. A. : Les suppressions pures et simples ne sont pas
la bonne méthode. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. Il convient, à mon
sens, d’éviter l’antagonisme entre une vision uniquement macroéconomique et le
volontariat qui risque de permettre aux élus de tourner encore longtemps autour
du pot.
4
– Vers 5 000 « super-communes » de plus de 5 000 habitants ? Dans 10
ou 15 ans ?
Le but serait
d’exercer les compétences assumées par les communes et les intercos et qu’elles
puissent gérer les collèges et les lycées, embaucher et rémunérer les
enseignants, avoir des compétences culturelles et faire des économies !
Si certains maires
reprochent à cette proposition d’éloigner les élus de leurs administrés,
d’autres pensent au contraire que si la Belgique, toute proche de nous, compte
589 communes, la Suède, 290, on peut y arriver aussi.
Moi, je dirais que
dans certains cas les maires sont trop proches de leurs administrés et tendent
à favoriser ceux qui ont voté pour eux et dans d’autres cas les maires ignorent
royalement ceux qui ne leur plaisent pas !
Il faut en finir avec les
cofinancements, les doublons et la clause de compétence générale des communes.
C’est au sein du bloc local que se situent les dépenses, donc les principaux
gisements d’économie.
Il faudra faire évoluer les
mentalités. Nous posons la question du renouvellement des élus locaux et de la
nécessaire limitation du nombre de mandats dans le temps à deux ou trois. Il
faut que ça tourne !
Un maire ne
comprend pas pourquoi l’état veut diviser par 8 le nombre d'élus alors que la
plupart d’entre eux exercent leur mandat à titre bénévole ? A Hazebrouck, c’est
le contraire, les élus s’augment régulièrement !
Selon certaines évaluations,
l’indemnisation des maires et des adjoints représente un coût annuel d’environ
1 milliard d’euros. Pour les intercommunalités, environ 200 millions d’euros.
La rémunération des parlementaires dépasse, elle, les 300 millions d’euros. Si
l’on intègre tous les autres élus, le coût total des indemnités approche les 2
milliards d’euros par an. C’est donc un sujet important.
Un
rôle d’amortisseur social en péril
Il parait que « les
communes ne fonctionnent pas comme des entreprises. En période de crise, elles
jouent un rôle d’amortisseur social. Un certain nombre d’agents, qui assurent
le balayage des rues ou l’entretien des voiries, sont inemployables ailleurs »
« Sans nous, ces personnes relèveraient d’un
institut médico-spécialisé ou d’un centre d’aide par le travail. Beaucoup
d’entre elles se retrouveraient au RSA. Elles pèseraient donc sur les comptes
publics alors que, chez nous, elles trouvent une utilité sociale. » Un rôle de
soupape que fragilise la baisse de 28 milliards d’euros des dotations de l’État
entre début 2014 et fin 2017.
Social
: la tentation de la recentralisation
Inlassable pourfendeuse de « la
gabegie », Agnès Verdier-Molinié ne compte, naturellement, pas que les communes
et les intercommunalités dans sa ligne de mire. La directrice de l’Ifrap
(Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques
publiques) s’en prend également au volume de « 700 milliards de dépenses
sociales » par an. Un montant qui concerne particulièrement les conseils
généraux et, à un degré moindre, les centres communaux d’action sociale. Pour
les premiers, elle prône une suppression pure et simple.
Pour les seconds, une forme de
dévitalisation. « En ce domaine, les intervenants sont beaucoup trop nombreux,
se justifie-t-elle. Ce n’est pas au
département et à la commune de distribuer des aides sociales. Il faudra
recentraliser et regrouper au niveau de l’État. Les CCAS doivent se transformer
en antennes des caisses d’allocations familiales », juge Agnès Verdier-Molinié.
« Réunir le RSA, les allocations logement, la prime pour l’emploi et l’allocation
aux adultes handicapés en une seule allocation plafonnée avec un seul guichet
et un seul fichier permettrait au minimum d’économiser 800 millions d’euros par
an. Soit le montant des fraudes aux prestations sociales évaluées par la Caisse
nationale des allocations familiales », insiste l’Ifrap dans l’une de ses notes
internes.
A vous de vous faire votre propre idée mais c'est vrai que 36 000 communes avec leurs élus à payer, ça pose problème ! Si dans d'autres pays, il est possible de fonctionner avec beaucoup moins de communes, pourquoi pas ?
Un dernier argument que certains maires mettent en avant : la disparition des liens proches entre élus et habitants.
A voir le manque de liens, d'écoute que l'on peut constater à Hazebrouck, il n'y aura aucun changement de ce côté là et je dirais même plus, si les élus étaient plus éloignés de certains de leurs concitoyens, il y aurait sans doute un peu moins de favoritisme et un plus d'égalité entre les habitants. Les maires écouteraient d'une oreille plus attentive les doléances de leurs concitoyens !
Merci d'avoir eu la patience de lire de ce très long article :