PHOTO XAVIER LÉOTY
En
cette fin d'après-midi baignée de lumière chaude, Richard Mérigeaux et Julia
Cruz étirent l'automne à la terrase d'un café, sur le port. Une douceur toute
en contraste avec le récit que ces deux Rochelais dressent de l'été mouvementé
qu'ils ont traversé. Entre Écosse et Islande, dans l'archipel des Féroé, sous
la bannière de l'organisation Sea Shepherd, ils se sont opposés au « grind »,
cette pratique traditionnelle de rabattage dans le fond des baies, puis
d'abattage des bancs de dauphins, pour l'essentiel des globicéphales.
Julia Cruz est revenue
fin août. Richard Mérigeaux, la semaine dernière. Ils racontent un face-à-face
qui n'avait rien de ludique, avec les Féringiens, les commandos de la Marine
danoise et la police locale. La partie - engagée il y a trois mois - se soldait
par l'arrestation, le 30 août dernier, de 16 militants, donc neuf Français
(lire nos précédentes éditions) et la saisie de quatre bateaux de Sea Shepherd.
L'image des militants menottés et agenouillés face à un hélicoptère de l'armée
a fait le tour du monde.
Sur l'autre face, le
bilan tiré est moins négatif : « Seulement 33 globicéphales tués et deux grind
organisés en mai et fin août. Contre 1 500 dauphins tués en moyenne les autres
années... »
Non adhérent, mais
sympathisant convaincu au point d'accepter un moindre salaire pour commander le
« Columbus » qu'avait affrété l'organisation au départ de La Rochelle, Richard
Mérigeaux rentre le cœur rempli d'émotions fortes et de colère. Ce qui, pour ce
marin expérimenté qui a navigué sur toutes les mers du globe, fait résonance,
c'est « l'acharnement et le courage des militants. Partout, j'avais vu ce que
l'homme a causé comme dégâts à la nature. Aux Féroé, j'ai eu la confirmation de
ce que je savais : les politiques sont inefficaces, et il faut des gens comme
ceux de Sea Shepherd pour que cela change. »
Surveillance permanente
Julia Cruz acquiesce.
Pour la jeune femme qui, avec sept autres étudiants, tient l'antenne rochelaise
du mouvement, c'était le premier coup de poing sur le terrain. Il exprimerait
presque le regret d'avoir fini sa mission deux jours avant que les commandos
n'arrêtent des militants à terre et en mer. Là même où, plus de dix semaines
durant, l'organisation veillait. Chaque jour, Julia embarquait ainsi sur l'un
des trois bateaux rapides de Sea Shepherd, des embarcations utilisées pour le
repérage des bancs de globicéphales et pour tenter de les éloigner de la côte.
« Je rêvais de passer de la sensibilisation à l'action. »
Il y eut aussi les
échanges avec la population qui, le soir, s'approchait des camping-cars des
militants, personnes plus ouvertes au dialogue. Les bateaux étaient néanmoins
remontés au sec et les remorques attelées, pour prévenir tout vandalisme.
Du côté du « Columbus »,
localisé en un autre point de l'archipel, l'ambiance était plus tendue encore.
« Le premier soir au port était un samedi. Ils se saoûlent ce jour-là. Les
flics ont dû protéger le bateau à quai, raconte Richard. On s'est pris des œufs
et des noms d'oiseaux. Ils nous provoquaient pour que l'on descende à quai.
Quinze jours après notre arrivée, le fond des fjords nous était interdit. Nous
sommes allés au mouillage. Il était protégé de la mer mais pas du vent. À une
ou deux reprises, ça a été musclé, avec du vent jusqu'à 80, 90 km/h ; et je ne
descendais à terre qu'une fois par semaine, pour le ravitaillement. »
Sont-ils prêts à
repartir ? La question peut leur être posée le premier vendredi soir du mois au
bar L'Harmattan, dans le centre rochelais, où se rassemblent les militants.
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